Après vous avoir pondu la partie un de mon article sur le féminisme (la partie deux sera pour plus tard, elle est toujours en cours de rédaction), une fois de plus c'est avec mes gros sabots que je tenais à dénoncer une énième pratique inadmissible typique du système hollywoodien, pratique qui existe déjà depuis longtemps mais qui a pris un nouveau tournant et franchi un cap dans l'absurdité, c'est celle du Whitewashing. Le "Whitewashing", c'est quoi? Et bien cela consiste à choisir des acteurs caucasiens dans un film ou à la télévision pour jouer des personnages d'une autre ethnie (asiatique, africain, etc). Oui, rien que ça.
Ça a commencé lorsque je suis allée voir Gone Girl au cinéma début novembre, et que j'ai vu la bande-annonce d'Exodus pour la première fois. J'ignorais totalement l'existence de cette adaptation, que d'une part je ne trouve pas tout indispensable (si j'ai envie de voir un film sur Moïse je préfère encore regarder "Le Prince d’Égypte"), et c'est en regardant le trailer que j'ai vu mon visage se décomposer progressivement en poker face (vous savez, celle-là) à la vue des acteurs choisis pour interpréter les rôles respectifs de Moïse, Ramsès et Touya. Christian Bale dans le rôle Moïse? Sigourney Weaver en Touya?? Joel Edgerton en Ramsès???? C'est très bien tout ça, et je n'ai rien de particulier contre ces acteurs (sauf peut-être Christian Bale dont la seule vue m'irrite), mais dans CE contexte précis, y'a pas comme un léger problème?! Je vous mentionnais "Le Prince d’Égypte" juste avant (une des plus grandes réussites de DreamWorks), que vous connaissez peut-être. Si non, j'aimerais qu'on jette un rapide coup d’œil sur la façon dont les personnages étaient représentés dans le dessin-animé.
Alors certes on peut leur reprocher le fait que la plupart des personnages soient doublés par des acteurs blancs en VO, mais à la limite je peux faire abstraction de ça car contrairement à Exodus où on a le visuel des acteurs, ceux qui prêtent leurs voix dans les films d'animation sont relativement invisibles. De plus les acteurs/comédiens qui font le doublage varient d'un pays à l'autre, donc ça reste une situation très différente. Par contre, pour un réalisateur de la trempe de Ridley Scott, il n'y a absolument aucune excuse. Interrogé sur le sujet, l'intéressé a tenu a expliqué ces choix surprenants dans une interview, et il m'a semblé important de relever cette phrase, retranscrite exactement selon ses propres termes :
Alors certes on peut leur reprocher le fait que la plupart des personnages soient doublés par des acteurs blancs en VO, mais à la limite je peux faire abstraction de ça car contrairement à Exodus où on a le visuel des acteurs, ceux qui prêtent leurs voix dans les films d'animation sont relativement invisibles. De plus les acteurs/comédiens qui font le doublage varient d'un pays à l'autre, donc ça reste une situation très différente. Par contre, pour un réalisateur de la trempe de Ridley Scott, il n'y a absolument aucune excuse. Interrogé sur le sujet, l'intéressé a tenu a expliqué ces choix surprenants dans une interview, et il m'a semblé important de relever cette phrase, retranscrite exactement selon ses propres termes :
“I can’t mount a film of this budget, where I have to rely on tax rebates in Spain, and say that my lead actor is Mohammad so-and-so from such-and-such,” Scott says. “I’m just not going to get it financed. So the question doesn’t even come up.” – Ridley "you-are-part-of-the-problem" Scott
Traduction : "Je ne peux pas monter un film de ce budget, où je dois compter sur les rabais fiscaux en Espagne, et dire que mon acteur principal est Mohamed je-ne-sais-qui de je-ne-sais-où. Je ne trouverai pas de financement. Donc la question ne se pose même pas."
Voilà. Voilà le genre de discours tenus par les "grands" réalisateurs en 2014. Parce qu'il vaut mieux engager des acteurs "caucasiens" (vous noterez le nombre de guillemets employées dans cet article pour appuyer mon ironie) quitte à déclencher quelques polémiques qui seront vite oubliées plutôt que de voir le succès de son film reposer sur les épaules de "Mohamed je-ne-sais-qui de je-ne-sais-où". Et quand on demande aux acteurs en question leur opinion sur le sujet, de leur côté c'est silence radio, ou alors ils tentent maladroitement de défendre Scott - promo oblige - tout en apportant malgré tout leur soutien aux offensés, même si on se doute que s'ils ont accepté le rôle c'est qu'à la base ils étaient d'accord avec la pratique. Et puis, je fais ma mauvaise langue, évidemment que le cast n'est pas composé QUE d'acteurs blancs, il y a aussi des acteurs noirs... dans le rôle d'esclaves, de servants, de voleurs, hahahahahaha.
Sinon, Christian Bale a tenu à faire savoir que lui ne voyait rien de mal avec le choix du casting, et qu'il soutenait à 100% son réalisateur (quel discours étonnant quand on tient le premier rôle). En effet, il déclare : “I don’t think fingers should be pointed, but we should all look at ourselves and say, ‘Are we supporting wonderful actors in films by north African and Middle Eastern film-makers and actors, because there are some fantastic actors out there’. If people start supporting those films more and more, then financiers in the market will follow. The audience has to show financiers that they will be there, and [then] they could make a large-budget film.” En gros, il y dit que c'est de notre faute si les réalisateurs s'obstinent à confier leur premier rôle à des acteurs blancs, et que pour que ça change c'est à nous de soutenir les réalisateurs indépendants et les acteurs de couleur. Quel plaisir de voir que l'industrie du cinéma se montre ouvertement rac- ah oui c'est vrai j'avais dit que je n'emploierai pas le R-word.
Sinon, Christian Bale a tenu à faire savoir que lui ne voyait rien de mal avec le choix du casting, et qu'il soutenait à 100% son réalisateur (quel discours étonnant quand on tient le premier rôle). En effet, il déclare : “I don’t think fingers should be pointed, but we should all look at ourselves and say, ‘Are we supporting wonderful actors in films by north African and Middle Eastern film-makers and actors, because there are some fantastic actors out there’. If people start supporting those films more and more, then financiers in the market will follow. The audience has to show financiers that they will be there, and [then] they could make a large-budget film.” En gros, il y dit que c'est de notre faute si les réalisateurs s'obstinent à confier leur premier rôle à des acteurs blancs, et que pour que ça change c'est à nous de soutenir les réalisateurs indépendants et les acteurs de couleur. Quel plaisir de voir que l'industrie du cinéma se montre ouvertement rac- ah oui c'est vrai j'avais dit que je n'emploierai pas le R-word.
Et si seulement ça se limitait à ça... mais ça devient carrément systématique ! En début d'année, on apprenait qu'une nouvelle version de Peter Pan serait adapté en film. Et la rumeur a commencé à circuler que Rooney Mara pourrait interpréter Lili la Tigresse (fille du chef des Indiens - cherchez le mot-clé). Sur le coup j'ai cru à une blague, et non. Le 25 novembre, le trailer est posté sur Youtube, et force est de constater que c'est bien Rooney qui s'est vu confiée le rôle. Je pense qu'on a tous vu Peter Pan, et j'avoue que je cherche encore la ressemblance entre le personnage présentée dans la version de Disney et Rooney. Stéréotypes de la version originale mis à part, c'est une chose pour les réalisateurs de vouloir caster des acteurs en vogue à tout prix, mais ce qui fait vraiment mal c'est de voir de jeunes acteurs prometteurs cautionner de tels comportements. Warner Bros a tenté de justifier son ignorance choix en expliquant qu'ils voulaient éviter les clichés raciaux, contrairement au roman de J.M. Barrie et à la version de Disney, jugée offensante envers les Amérindiens. Ils ont donc volontairement choisi de "réinventer" le personnage de Lily la Tigresse pour qu'elle n'apparaisse plus comme Amérindienne mais "sans ethnie particulière", et qui dit pas d'ethnie particulière, dit forcément? Une actrice caucasienne pardi ! Et comme si cela ne suffisait pas, ils ont aussi insisté sur le fait que c'est seulement suite à un looong casting où ont auditionné des femmes de toute ethnie, que la meilleure a été retenue, et qu'ils n'avaient pas du touuut envisagé de prendre Rooney dès le début *facepalm* Je cite :
Plus récemment, le dernier film en date du réalisateur Cameron Crowe, une comédie romantique intitulée "Aloha" (rien que le titre fait déjà grincer des dents), s'est attiré les foudres du public, de part son casting entièrement caucasien (Emma Stone, Rachel McAdams, Bradley Cooper, Bill Murray, Danny McBride, Alec Baldwin et John Krasinski). En plus des traditionnels clichés sur Hawaii, le personnage d'Emma Stone est censé être en parti asiatique, d'après une personne que le réalisateur a connu. Bien évidemment, Cameron Crowe a fourni l'excuse par défaut "Désolé si je vous ai offensé". Ce que je trouve vraiment fascinant à propos des excuses de réalisateurs qui sont accusés de white-washing, c'est qu'ils sont désolés seulement parce qu'ils ont été critiqués. Si personne n'avait rien dit, dieu sait qu'ils n'auraient jamais vu le moindre problème avec leur film et aurait remis ça en moins de deux. Et ce qui me chiffonne encore plus, c'est que depuis l'Exodusgate, il est impossible que les acteurs n'aient pas entendu parler du white-washing, donc la grande question du jour c'est : pourquoi continuent-ils d'accepter ces rôles malgré tout? Surtout qu'ils se doutent qu'on va les interroger à ce sujet pendant la promo. Je veux bien comprendre qu'ils prennent l'argent là ou il est, mais à un moment faut remettre tes principes en question et commencer à montrer l'exemple.
Et des exemples comme ça, il en existe à l'infini. Piqûre de rappel, en 2009 on a eu cette abomination, aka l'adaption-la-plus-pourrie-de-tous-les-temps-dont-on-préfère-nier-l'existence du manga cultissime d'Akira Toriyama ("Dragonball Evolution" pour ceux qui n'auraient pas reconnu, paye ton affiche parodique hein) :
“There's a misconception about the ethnicity of the original character and we felt no obligation to perpetuate that misconception.” says an insider on the project. “We looked at Native American actresses. We looked at African-American actresses. We looked at African actresses. We looked at Middle Eastern actresses. White actresses. After a very exhaustive casting process, we ultimately went with the best actress for the part.”Veuillez retenir la phrase "there's a misconception about the ethnicity of the original character". Misconception = conception erronée, idée fausse, malentendu. Faut avoir une sacrée audace pour sortir des inepties pareilles, parce que je ne vois clairement pas en quoi l'ethnie de Lily la Tigresse pourrait porter à confusion? Bref, vous l'avez compris, Hollywood essaie constamment de nous faire gober que l'origine n'est jamais un facteur important dans le casting d'un acteur, et que seul le talent fait la différence. Plus concrètement, ils n'en ont juste rien à secouer. Il suffit de se souvenir de la polémique provoquée par le casting d'actrices chinoises dans l'adaptation cinématographique du roman d'Arthur Golden "Mémoires d'une geisha", au lieu d'actrices japonaises, ce qui avait entraîné la censure du film dans certains pays. Je vous cache pas que j'adore ce film à un niveau indescriptible, et que la première fois que je l'ai vu et que j'ai appris l'existence de cette polémique, sur le coup je l'avais trouvée ridicule et je ne voyais pas du tout où était le problème, "tant que les actrices jouaient bien". Seulement voilà, depuis j'ai appris la leçon.
Traduction : "Il y a une conception erronée concernant l'ethnie du personnage original, et nous n'avons pas ressenti l'obligation de perpétrer ce malentendu", d'après un insider. "Nous avons auditionné des actrices amérindiennes. Nous avons auditionné des actrices africaines-américaines. Nous avons auditionné des actrices africaines. Nous avons auditionné des actrices du Moyen-Orient. Des actrices caucasiennes. Après un long et pénible casting, nous avons finalement choisi la meilleure actrice pour le rôle"
Plus récemment, le dernier film en date du réalisateur Cameron Crowe, une comédie romantique intitulée "Aloha" (rien que le titre fait déjà grincer des dents), s'est attiré les foudres du public, de part son casting entièrement caucasien (Emma Stone, Rachel McAdams, Bradley Cooper, Bill Murray, Danny McBride, Alec Baldwin et John Krasinski). En plus des traditionnels clichés sur Hawaii, le personnage d'Emma Stone est censé être en parti asiatique, d'après une personne que le réalisateur a connu. Bien évidemment, Cameron Crowe a fourni l'excuse par défaut "Désolé si je vous ai offensé". Ce que je trouve vraiment fascinant à propos des excuses de réalisateurs qui sont accusés de white-washing, c'est qu'ils sont désolés seulement parce qu'ils ont été critiqués. Si personne n'avait rien dit, dieu sait qu'ils n'auraient jamais vu le moindre problème avec leur film et aurait remis ça en moins de deux. Et ce qui me chiffonne encore plus, c'est que depuis l'Exodusgate, il est impossible que les acteurs n'aient pas entendu parler du white-washing, donc la grande question du jour c'est : pourquoi continuent-ils d'accepter ces rôles malgré tout? Surtout qu'ils se doutent qu'on va les interroger à ce sujet pendant la promo. Je veux bien comprendre qu'ils prennent l'argent là ou il est, mais à un moment faut remettre tes principes en question et commencer à montrer l'exemple.
Et des exemples comme ça, il en existe à l'infini. Piqûre de rappel, en 2009 on a eu cette abomination, aka l'adaption-la-plus-pourrie-de-tous-les-temps-dont-on-préfère-nier-l'existence du manga cultissime d'Akira Toriyama ("Dragonball Evolution" pour ceux qui n'auraient pas reconnu, paye ton affiche parodique hein) :
Justin Chatwin en Son Goku |
Puis en 2010 on avait eu droit à ça (adaptation live du célèbre dessin-animé "Avatar: the Last Airbender"), où
Regardez-moi tous ces beaux acteurs caucasiens qui sont les gentils... et Dev Patel le méchant. |
C'est bien beau de vouloir adapter des œuvres populaires à l'écran, ça part d'un bon sentiment, mais encore faut-il un bon casting pour que le public suive, ce qui n'est pas le cas 90% du temps. Pour l'anecdote, un live-action du manga "Ghost in the Shell" de Masamune Shiro est en préparation par les soins du réalisateur Rupert Sanders. Et il se murmure que les noms de Margot Robbie (qui est maintenant hors-concours vu qu'elle a été castée en tant qu'Harley Quinn dans "Suicide Squad") et de Scarlett Johansson (!) ont été évoqués pour le rôle du personnage principal, celui de Motoko "Badass" Kusanagi. Sauf que Motoko, elle ressemble à... ça. Donc oui, c'est sûr que physiquement ça pourrait coller, mais à part ça, big LOL un peu hein. Tu penses qu'ils apprendraient de leurs erreurs, chassez le naturel, il revient au galop.
Parce qu'à la limite on peut être plus indulgent quand le film est réussi. Comme avec The Impossible (2012), inspiré du périple d'une famille espagnole, la famille Alvarez Belon (à gauche), en vacances en Thaïlande lors du tsunami dévastateur du 26 décembre 2004. Bien que lui-même d'origine espagnole, le réalisateur Juan Antonio Bayona avait pourtant choisi Naomi Watts et Ewan McGregor pour les rôles principaux (tous les deux blonds aux yeux bleus et d'origine britannique). C'était un choix tout à fait volontaire de la part du réalisateur et approuvé par la famille elle-même, et certes ça ne nuit en rien au "bon" déroulement du film, mais on est en droit de soulever la question : les acteurs caucasiens seraient-ils donc plus rentables? Haha just kidding, on la connaît déjà la réponse.
A gauche : la famille Alvarez Belon A droite : Naomi Watts et Ewan McGregor |
Alors après je trouve ça mignon quand on dit que les gens de couleur s'offusquent souvent pour rien, qu'on voit du racisme partout, qu'on devrait songer à se préoccuper de problèmes plus graves blablablabla, bah justement il commence là le problème j'ai envie de dire mes petits chats. La représentation ethnique (ou plutôt son manque de représentation) au cinéma/à la télévision a un impact direct sur les mentalités, surtout chez les jeunes. Quand voit que l'industrie hollywoodienne est régie par le principe du quota ethnique, quand c'est pas celle du "white savior" (cet axe narratif où le courageux sauveur blanc vient arracher à leur triste sort les pauvres gens de couleur, allez jeter un coup d’œil à la liste, les exemples sont nombreux). Du coup quand on cache la misère en mettant des acteurs de couleur ici et là tout ça pour qu'on vienne pas râler, je trouve un peu normal de se sentir révolté, et de chercher à inverser la donne. Aussi, il faut observer les réactions provoquées dans les médias/sur les réseaux sociaux quand ça se produit. Dès que l'on donne un peu trop d'importance à un acteur de couleur dans un film, le bashing ne se fait pas attendre. Par exemple comme lorsque l'acteur Michael B. Jordan (vu dans Chronicle, Fruitvale Station, The Awkward Moment) a été choisi pour reprendre le rôle de la Torche Humaine/Johnny Storm dans le reboot du film "Les Quatre Fantastiques" (rôle tenu auparavant par Chris Evans, qui lui a d'ailleurs apporté son soutien total), la vague de racisme engendrée a été spectaculaire, surtout chez les fans de comics, qui ont carrément appelés au boycott du reboot. Mais Michael B. Jordan a préféré ne pas tenir compte des rageux aigris et est intimement convaincu qu'ils courront voir le film à sa sortie en salles. Autre victime de fans d'hystériques un peu trop extrêmes, le jeune acteur John Boyega (22 ans), qui a dû faire face à des attaques racistes particulièrement virulentes suite à la récente diffusion du trailer de l'épisode VII de "Star Wars: The Force Awakens" le 28 novembre dernier. En effet, il est le premier à apparaître dans la courte bande-annonce, et il n'en a pas fallu plus pour déchaîner les passions. Un stormtropper noir?! Un vrai scandale pour certains. Pas étonnant que les mentalités régressent quand on voit à quel point le public soutient le changement. Heureusement, cela se limite "seulement" à une poignée d'excités. John Boyega a quant à lui simplement déclaré qu'ils allaient devoir s'y faire. Le plus triste, c'est que si vous tapez "John Boyega" sur Google, la page entière est consacrée à des articles sur le sujet.
OK.
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